Les Bleus au Mondial 1978 : but record, affaire des chaussures et imbroglio autour des maillots

L’équipe de France à la Coupe du monde 1978 se distingue avec Bernard Lacombe qui marque le but le plus rapide de l’histoire de la sélection. À part ça, les Bleus font surtout parler d’eux en dehors du terrain pour une prime avec le sponsor Adidas et pour avoir dû jouer avec des maillots… vert et blanc.

Après douze ans d’absence, les Bleus retrouvent enfin la Coupe du monde en 1978. Et cela commence mal.

La veille du départ des Bleus en Argentine, Michel Hidalgo est victime d’une tentative d’enlèvement le 23 mai 1978. Le sélectionneur parvient à se défaire des malfrats et à prendre malgré tout le Concorde pour s’envoler le lendemain avec la délégation française à Buenos Aires.

Le contexte est tendu : cette édition de la Coupe du monde est organisée en plein cœur de la dictature de Videla.

Pour détendre l’atmosphère, le jeune Jean-Pierre Foucault et son ami de radio Léon Orlandi crée un hymne pour encourager les Bleus sur un air d’accordéon : « Allez la France, allez, il faut gagner ! / La France entière est là pour vous encourager« . Un clip tourné dans les tribunes du stade de Nice avec un ballon de foot et un ballon de… rugby.

Hôtel partagé avec les Italiens

Les joueurs de l’équipe de France – Bernard Lacombe, Henri Michel et le jeune Michel Platini – posent leurs valises à l’Hindu Club, hôtel chic situé dans la banlieue de la capitale argentine, avec la présence constante de gardes.

Pour l’anecdote, la France loge au même endroit que l’équipe d’Italie… son premier adversaire en poules. Les Bleus occupent un étage et leurs voisins rivaux un autre étage.

Les deux sélections se partagent l’unique terrain d’entraînement – une pelouse de golf – et peuvent donc s’observer à tour de rôle. Une situation impensable aujourd’hui.

Henri Michel raconte cet épisode ubuesque au Monde : « Nous logeons dans les ailes opposées du bâtiment résidentiel. On se salue discrètement le matin quand on se retrouve au standard téléphonique. Par contre, quand l’une des deux équipes s’entraîne, l’autre est le plus souvent au bord du terrain. Chacun essaie de se familiariser avec le jeu de celui qui sera peut-être son adversaire direct, le 2 juin, à Mar-del-Plata, pour le premier match du groupe ! »

Et de préciser : « L’espionnite atteint même un tel niveau que les Italiens sont partis à Mar-del-Plata, le mercredi 31 mai au matin, soit deux jours avant le match, sans doute pour mettre au point leurs dernières combinaisons à l’abri de nos regards. Tant mieux. Nous pourrons en faire autant. »

Regardez la vidéo de l’INA présentant l’arrivée des joueurs de l’équipe de France en Argentine

Autre preuve de cet amateurisme : les femmes des dirigeants sont présentes dans le bus pour assister aux entraînements des Bleus… et font arrêter le bus au retour pour faire du shopping comme le raconte le gardien Jean-Paul Bertrand-Demanes à France 3

Pour la première fois, et ce qui sera une tradition pour les grandes compétitions suivantes, Bernard Pivot conseille des livres aux joueurs à emmener durant le Mondial, comme le rapporte L’Equipe.

Le but record de Lacombe en 30 secondes

Les Bleus affrontent la Squadra Azzurra pour leur entrée dans la compétition le 2 juin 1978.

Il ne fallait pas arriver en retard au stade de Mar del Plata ou devant son poste de télévision.

Marius Trésor gagne le toss et choisit le côté du terrain. L’Italie donne le coup d’envoi et perd rapidement le ballon. Le gardien tricolore Jean-Paul Bertrand-Demanes relance côté gauche. Lancé en profondeur, Didier Six centre au point de penalty pour Bernard Lacombe qui marque au bout de… 30 secondes de jeu !

Trop rapide pour la réalisation télé. Dans la confusion, Henri Michel est filmé en gros plan. Mais c’est bien le n°17 Bernard Lacombe qui saute plus haut que son adversaire direct pour tromper de la tête, le portier italien Dino Zoff.

Il ne le sait pas encore, mais Bernard Lacombe vient d’inscrire le but français le plus rapide en Coupe du monde et tout simplement le but le plus rapide de l’histoire de l’équipe de France. Un record validé par la FFF.

Il est coutume de dire que l’ouverture du score a été faite en 37 secondes. Or, si on déclenche le chronomètre entre le coup d’envoi du match et le ballon qui franchit la ligne : il y a bien 30 secondes qui se sont écoulées. Pas une de plus.

Sur le podium tricolore des buts les plus rapides, Franck Sauzée marque en 34 secondes sur coup franc lors de France-Albanie le 30 mars 1991 et Georges Moreel lors de France-Angleterre le 22 mai 1949.

Une montre en or en guise de récompense

Grâce à ce but, Bernard Lacombe obtient un « trophée » : une montre en or. Un cadeau prévu par les organisateurs au premier buteur de la compétition (et non pas au plus rapide).

Bernard Lacombe revient sur cet épisode : « On m’a donné ce bijou à mon retour en France à Saint-Etienne où j’ai signé après le Mondial ». Et de préciser : « Il ne s’agit pas d’un chronomètre mais bien d’une montre que je conserve précieusement ».

Chaussures Adidas, cirage et primes

Malgré cette ouverture du score supersonique, la France finit par plier et s’incliner 2-1. Une défaite logique ? Certains médias évoquent une affaire susceptible de déstabiliser le groupe avant la rencontre : l’affaire des chaussures. Une affaire de sous.

En plus des primes de présence au premier tour et potentiellement au second tour, les Bleus touchent une prime pour porter des chaussures Adidas, équipementier officiel et unique de l’équipe de France. La condition : passer du cirage blanc sur les trois bandes emblématiques avant de jouer les matches afin de mieux exposer le sponsor aux caméras de la télévision.

En échange, les hommes de Michel Hidaglo touchent chacun entre 1.500 francs et 5.000 francs (selon les versions) de la part de la marque allemande.

Un montant jugé insuffisant par les Bleus. D’autant que, selon des rumeurs, les joueurs des autres sélections équipées par Adidas sont mieux rémunérés.

Le capitaine Marius Trésor négocie au nom de l’équipe de France avec le représentant de l’équipementier allemand, l’ancien gardien international François Remetter. Echec et refus de la revalorisation.

Conséquence : les Bleus font « la grève du pinceau » avant le match contre l’Italie. Certains refusent le pot de peinture blanche pour donner de l’éclat à leurs chaussures et d’autres entreprennent même de passer au cirage noir les fameuses bandes blanches pour les « masquer ».

Une scène racontée dans le livre « Platini, le roman d’un joueur » de Jean-Philippe Leclaire : « Dans les vestiaires, avant le premier match contre l’Italie, certains joueurs refusent de peindre les trois bandes blanches de leurs chaussures à la peinture argentée, comme le réclame Adidas. D’autres vont jusqu’à recouvrir de cirage noir le signe distinctif du sponsor. »

Après la rencontre, le médecin des Bleus Maurice Vrillac raconte cet épisode à Europe 1. Un épisode également dévoilé par le journaliste Dominique Grimault dans le JDD. La polémique enfle et l’opinion française perçoit mal ce « caprice ». Le journaliste Georges de Caunes allant à parler de footballeurs « qui ont un tiroir-caisse à la place du cœur ».

Les Bleus se défendent à l’image de Dominique Rocheteau : « Jouer les hommes-sandwiches de luxe mais pas les dindons de la farce ». Et de Dominque Bathenay, cité par Le Point : « Nous sommes des professionnels, nous ne jouons pas pour les beaux yeux de la princesse. »

Et Michel Platini de conclure : « On a décidé simplement de ne pas faire un petit effort parce qu’ils ne consentaient pas à faire un petit effort comme on avait demandé ».

L’Argentine, Videla et BHL

Pour son deuxième match décisif, la France affronte l’Argentine, pays organisateur et futur vainqueur de la compétition. Face au régime du dictateur argentin Jorge Rafael Videla instauré depuis le coup d’Etat en 1976, quelques Bleus à l’image de Dominique Rochetau veulent marquer leur opposition. Quelques jours avant la rencontre, ils improvisent une réunion à l’hôtel pour se mettre d’accord sur une action. En vain. Seuls quatre joueurs répondent présents, accompagnés du philosophe médiatique Bernard-Henri Lévy.

Les Bleus ne veulent pas mélanger sport et politique. Interrogé à ce sujet, le sélectionneur Michel Hidalgo botte en touche : « Nous n’allons pas en Argentine à la rencontre d’un régime mais d’un peuple ». Et Michel Platini d’être plus direct comme le rapporte Le Monde : « On pourrait imaginer n’importe quoi, sauf le boycottage. Ça fait quatre ans qu’on s’y prépare et douze ans qu’on n’y a pas participé. Il y en a qui nous demandent de ne pas y aller. Ça ne va pas, non ? J’irai à la nage à Buenos Aires s’il le faut. »

Le 6 juin 1978, jour du match, Dominique Rocheteau renonce à porter un brassard noir en signe de protestation au stade de Buenos Aires sous les yeux du général Videla et à 800 mètres du camp d’emprisonnement et de torture du régime.

Avec plus de 70.000 spectateurs officiels, l’ambiance de l’Estadio Monumental est digne d’une fête nationale et impressionne les Bleus comme le raconte Bernard Lacombe à Philippe Tournon dans son livre “La vie en Bleu” : « On accédait au terrain par un escalier fermé par une trappe, un peu comme au vieux stade Vélodrome de Marseille. On attendait sagement derrière l’arbitre que la trappe s’ouvre, mais les cris et les chants des cent mille Argentins massés dans les tribunes nous parvenaient, un peu assourdis mais impressionnants. Et puis la trappe a commencé à rouler sur ses rails, la lumière nous a éblouis, et on s’est trouvés projetés sur le terrain, un peu comme le taureau qui sort du noir et déboule en pleine lumière dans l’arène. Des papelitos bleu et blanc voletaient de partout on ne pouvait même pas se parler tellement il y avait de bruit, avec ces ‘Vamos Argentina’ qui descendaient en rafale des gradins. Je n’avais encore jamais connu une ambiance comme ça ! »

Même sentiment du côté du gardien Jean-Paul Bertrand-Demanes (blessé et remplacé à l’heure de jeu) qui se confie au Podcast des Légendes : « Il y avait un bruit comme si deux Boeing 747 décollaient à côté. On a regardé devant nous, on ne voyait pas le ciel, il y avait un mur de spectateurs qui gueulaient ‘Argentina’, les papelitos (confettis de papiers lancés sur la pelouse, ndlr)… Si on nous avait dit : ‘Les gars on n’y va pas’, on n’y allait pas (rires) »

La France s’incline avec les honneurs (2-1). L’Argentine de Mario Kempes ouvre le score sur un penalty accordé après quelques secondes d’hésitation suite à une main de Marius Trésor. Une décision arbitrale soumise à la pression comme on peut l’imaginer. Les Bleus égalisent grâce à Platini après un lob de Lacombe qui heurte la barre transversale. Insuffisant : l’Argentine scelle sa victoire d’une frappe lointaine. Avec cette deuxième défaite, la France est éliminée du Mondial.

Pour l’anecdote, les Bleus n’ont pas accès à la pelouse du stade Monumental. Ni la veille pour s’entraîner car elle est bâchée, ni le Jour J pour s’échauffer comme le raconte Michel Hidalgo dans ses « Carnets Secrets » : « On interdit aux joueurs de se rendre sur la pelouse avant le match pour adapter le choix des crampons à l’état du terrain. Une décision incroyable. Nous allons jouer contre l’Argentine sur le terrain où elle se prépare depuis des mois, où elle s’entraine, où elle doit jouer tous ses matchs, où elle a déjà affronté la Hongrie, sans avoir pu au moins une fois, trottiner sur la pelouse. »

Les Bleus en vert et blanc

Déjà mathématiquement éliminée, la France dispute son dernier match de poules face à la Hongrie le 10 juin 1978.

Après l’affaire des chaussures, un autre imbroglio à propos des équipements. Lors de l’échauffement, les joueurs des deux équipes se rendent comptent qu’ils portent tous un maillot blanc. Et la France est en tort : elle n’a pas tenu compte de la dernière circulaire FIFA sur la couleur des tenues.

En toute hâte, les organisateurs envoient une délégation en ville. Le Club Atletico Kimberley, fondé par des pêcheurs dans la région, prête ses maillots à rayures vert et blanc aux joueurs de Michel Hidalgo.

Le coup d’envoi est retardé de 40 minutes mais les Bleus évitent le forfait. Maillot vert, short bleu, chaussettes rouges, la France s’impose (3-1) dans ce dernier match comptant pour du beurre.

Les trois gardiens des Bleus utilisés

Pour l’anecdote, comme la France ne fait jamais rien comme les autres, elle est la première sélection à utiliser ses trois gardiens lors d’un Mondial.

Titulaire dans la cage pour le premier match contre l’Italie (défaite 2-1), Jean-Paul Bertrand-Demanes se blesse lors du match suivant contre l’Argentine en retombant lourdement contre son poteau.

Le gardien Dominique Baratelli le remplace pour terminer la demi-heure de jeu, le temps de concéder lui aussi un but (défaite 2-1).

Enfin, lors de la dernière rencontre contre la Hongrie où la France est déjà éliminée, Michel Hidalgo décide de faire tourner l’effectif et d’aligner des remplaçants pour qu’ils aient leur part de Mondial. Ainsi, le troisième gardien tricolore Dominique Dropsy est titularisé (victoire 3-1). Trois gardiens utilisés sur trois et chacun encaissant au moins un but.

L’amateurisme de la délégation tricolore – choix de l’hôtel, prime des chaussures, imbroglio autour des maillots – montre l’importance de régler toutes ces affaires en amont des compétitions. A cet effet, un poste de « superintendant » de l’équipe de France est créé dans la foulée à l’été 1978.

Ce qui n’empêchera pas les Bleus de connaître d’autres déboires comme au Mondial 2002 et au Mondial 2010. Mais ça, c’est une autre histoire.

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