Just Fontaine avec l’équipe de France au Mondial 1958 : un record, un fusil et une chanson paillarde

Dire que la France n’était pas favorite pour la Coupe du monde 1958 est un euphémisme.

Pourtant, les Bleus emmenés par Raymond Kopa et Just Fontaine – l’homme-record aux 13 buts lors de cette compétition – iront loin en se hissant sur la 3e marche du podium.

Tout commence au printemps 1958. Les joueurs tricolores débarquent en Suède, pays organisateur du Mondial et futur finaliste, le 20 mai à l’aérodrome de Stockholm-Bromma. La presse se moque : « étant appelée à repartir la première, l’équipe de France avait voulu être à pied d’œuvre avant les autres « .

Il faut dire que les Bleus n’ont gagné qu’un seul match en sept rencontres officielles. Et que lors du précédent Mondial 1954, ils n’ont pas passé les poules au format inédit (avec seulement deux matches joués, une victoire et une défaite).

Premiers arrivés premier partis ?

Autre signe : les médias ne sont pas enthousiastes comme le raconte Just Fontaine dans un entretien à France Culture : « La presse écrit ‘Ils partent les premiers car ils sont sûrs qu’ils vont revenir les premiers’. On n’a pas de pression. »

Et pourtant… Emmenée par le sélectionneur Paul Nicolas, la France poursuit son épopée pour terminer 3e de la compétition après son succès contre l’Irlande en quart, élimination contre le Brésil de Pelé en demi-finale et victoire lors de la petite finale contre l’Allemagne.

Au total, l’équipe de France marque 23 buts lors de la compétition. Et à lui tout seul, Just Fontaine inscrit 13 buts (sans tirer les penalties et en touchant la barre transversale).

L’attaquant du Stade de Reims établit un record encore inégalé en Coupe du monde… le tout avec des chaussures empruntées à un coéquipier car ses crampons rendent l’âme la veille du premier match le 8 juin 1958 :

  • un triplé lors du premier match contre le Paraguay (victoire 7-3) ;
  • un doublé ensuite contre la Yougoslavie (défaite 3-2) ;
  • un but contre l’Écosse (victoire 2-1) ;
  • un doublé contre l’Irlande du Nord en quart de finale (victoire 4-0) ;
  • un but lors de la défaite des Bleus contre le Brésil en demie (élimination 5-2) ;
  • enfin, un quadruplé contre la RFA dans la “petite” finale (victoire 6-3).

Pour l’anecdote, Just Fontaine révélera par la suite qu’il savait qu’il allait être titulaire dans cette équipe de France. Le sélectionneur Paul Nicolas lui a promis avant le début du Mondial à la place de l’attaquant René Bliard. Ce dernier se blessera lors du stage de préparation, facilitant la hiérarchie et l’annonce aux joueurs.

Suédoises à l’hôtel des Bleus

Avant le début de la compétition, les Bleus jouent des matches de préparation. Ils se détendent aussi en jouant à la pétanque, aux cartes et en allant à la pêche près de l’hôtel Laxbrogarden où ils résident à Kopparberg, une petite ville de 3.000 habitants à 200km de Stockholm.

Une ambiance très détendue à l’image de cet épisode des Suédoises, comme le raconte Just Fontaine dans un entretien à France Culture : « Un jour des femmes, des trublionnes sont arrivées à l’hôtel des Français. Paul Nicolas a piqué une crise, je ne l’ai jamais vu en colère comme ça. Ils les a renvoyées. Et il nous a dit : ‘Ecoutez si on est là pour jouer au football je reste avec vous. Si c’est vous êtes là pour déconner et courir les filles, je m’en vais !’ Tête basse on a dit qu’on était là pour essayer de faire le plus de matches possible. Ça c’est réglé comme ça ».

Avion affrété et lettres d’encouragement avant France-Brésil

À cette époque, pas de téléphone portable ou de réseaux sociaux. Pour communiquer, il faut écrire sur du papier avec de l’encre.

Arrivé quelques jours plus tard car il dispute et remporte la finale de la Coupe des clubs champions européens avec le Real Madrid le 28 mai 1958, Raymond Kopa envoie une lettre prémonitoire à sa femme : “Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve, mais j’ai l’impression que nous allons en surprendre plus d’un. Moralement, nous sommes prêts pour réussir quelque chose de grand.”

Bien vu. Le duo Kopa-Fontaine – qui se connaît peu et partage la même chambre lors de la compétition – fonctionne à merveille et permet à la France de sortir des poules. Les Bleus passent ensuite les quarts contre l’Irlande pour atteindre les demi-finales pour la première fois de leur histoire.

En face désormais, un adversaire redoutable : le Brésil emmené par le jeune Pelé… sans oublier les Garrincha, Didi et Vava. Les Auriverdes n’ont encore encaissé aucun but lors de la compétition.

Pour encourager les Bleus, les supporters leur envoient des centaines de milliers de lettres et de cartes postales.

Aussi, une souscription nationale lancée par le journal « L’Equipe » et la radio « Europe n°1 » permet d’affréter un avion pour emmener en Suède les épouses et les proches des joueurs.

On estime entre 5 et 8 millions de téléspectateurs français devant une TV pour suivre ce France-Brésil. Même le président de la République René Cotty regarde la rencontre à l’Elysée.

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Les Français sont gonflés à bloc à l’image de Raymond Kopa : « Maintenant nous pouvons perdre et c’est pour cela que nous gagnerons !« , comme il le confie dans le magazine France Football sorti le 24 juin 1958.

L’hebdomadaire titre avant cette rencontre : « Impossible n’est pas français » avec cette déclaration insolite de Kopa : « J’ai été très fatigué pendant deux jours, mais j’ai bin récupéré. Je crois que je suis enfin débarrassé de mon ver solitaire ». A l’époque, les joueurs ne cachaient pas grand-chose.

Le 24 juin 1958, la France fait jeu égal avec le Brésil jusqu’à la terrible blessure de Robert Jonquet : percuté par Vava, le défenseur tricolore est victime d’une double fracture du péroné à la demi-heure de jeu. Les remplacements étant interdits à l’époque, la France se retrouve à « 10 contre 11 ». Jonquet reste sur le terrain le long de la ligne de touche pour faire de la figuration après avoir reçu une piqûre de novocaïne à la mi-temps comme il se souvient : « Le ballon passait à côté de moi, je le regardais filer et je ne servais à rien. » Défaite 5-2 avec un triplé du (futur) roi Pelé âgé seulement de 17 ans et vainqueur de ce Mondial.

L’histoire retiendra que la France – par l’inévitable Fontaine – a marqué le premier but de la compétiton au Brésil. Et que sans la blessure de Jonquet, l’issue de la rencontre aurait peut-être été différente.

« Battre les Boches »

Place désormais à la petite finale contre la RFA le 28 juin 1958 à Göteborg. Doit-on faire jouer les remplaçants ? Le sélectionneur Paul Nicolas tranche : « Il n’en est pas question. Nous alignerons la meilleure équipe possible parce que je vous le rappelle, seuls les noms des trois premiers figurent au palmarès de la Coupe du monde… » Et si Lafont et Douis font leur entrée, c’est en raison de la blessure de Jonquet et de l’appendicite de Piantoni.

L’ailier Maryan Wisniewski raconte une scène de vestiaire avant ce match de classement, témoignage recueilli par l’attaché de presse historique de l’équipe de France Philippe Tournon dans son livre « La vie en bleu » : « Avant le match, on remet un petit cadeau à Paul Nicolas (le sélectionneur, ndlr) et en nous remerciant, de sa grosse voix, il nous lâche : ‘Le plus beau cadeau que vous puissiez me faire aujourd’hui c’est de battre les Boches’. On l’a fait et bien fait : 6-3, dont quatre buts de Justo. »

Et ce jour-là, Fontaine aurait pu en marquer un de plus avec un penalty qu’il n’exécute pas, comme il le raconte au Monde : « Je n’ai pas pensé une seule seconde à tirer ce penalty. C’est Kopa qui était chargé de les tirer, nous voulions gagner ce match, et je ne pensais pas à mon record. »

« Les couilles de mon grand-père » à la place de « La Marseillaise »

Après cette rencontre, une sorte de banquet est organisé à Göteborg avec ce moment épique que raconte Just Fontaine dans un entretien à France Culture : « On va à une espèce de foire où on nous fait monter sur une scène à Göteborg et là les gens nous demandent une chanson. On chante « Les couilles de mon grand-père » et eux croient qu’on chante « La Marseillaise » et ils nous applaudissent à tout rompre. Le lendemain on assiste à la finale Brésil-Suède. »

Une version confirmée par l’intéressé au Monde : « Une sorte de kermesse était organisée. Les Suédois nous ont fait monter sur l’estrade pour que l’on chante « La Marseillaise ». Mais comme nous ne connaissions pas bien les paroles, on a chanté « Les couilles de mon grand-père ». Les Suédois n’y ont vu que du feu. »

Une chanson paillarde en guise d’hymne officieux des Bleus, que l’on peut chanter sur l’air de « La Marseillaise ».

Fontaine repart de Suède avec un fusil

Au total dans cette compétition, Just Fontaine inscrit le record inégalé de 13 buts sur les 23 marqués par l’équipe de France (sans tirer les penalties et en touchant la barre transversale).

À l’époque, l’attaquant tricolore repart de Suède avec une carabine comme cadeau… logique, pour le meilleur tireur/canonnier comme se rappelle Just Fontaine dans un entretien à France Culture : « On m’a donné un fusil mais il a fallu le donner à huis clos parce que la FIFA ne voulait pas de cérémonie officielle autre que celle organisée par elle… et comme elle n’organisait rien… ».

Et de préciser pour So Foot : « Pour me récompenser, le journal l’Expressen m’a offert un fusil. C’était une année extraordinaire. J’ai fini 3e du classement du Ballon d’or derrière Raymond Kopa et Helmut Rhan. »

Une photo avec les deux « stars » tricolores de la compétition avec dans le grand carton, le fusil de chasse de marque Husqvarna. Une récompense qui a longtemps trôné au mur du salon de sa maison toulousaine.

Kopa meilleur joueur du Mondial et Ballon d’or 1958

Pour l’anecdote, la FIFA remet à Just Fontaine « un soulier de platine » en 2014 pour immortaliser ce record.

Avec trois buts et dix passes décisives (dont cinq pour Fontaine), Raymond Kopa est désigné meilleur joueur de cette Coupe du monde. Le joueur du Real Madrid – vainqueur de la Coupe d’Europe la même année – est sacré Ballon d’or 1958.

Il est le premier joueur français à décrocher cette récompense créée deux ans plus tôt. Il est également le seul joueur tricolore à avoir terminé quatre fois de suite sur le podium du Ballon d’or : 3e en 1956, 3e en 1957, sacré en 1958 et 2e en 1959.

En fin de compétition, Raymond Kopa ironise en taclant la pesse qui ne croyait pas en eux : « Je ne pensais pas, en venant ici, passer d’aussi belles vacances ».

Un Bleu envoyé en prison à son retour en France

Pour l’anecdote, le retour en France est mouvementé pour Maryan Wisniewski, comme il le raconte à football365.fr en 2006 : « Nous avons bien été accueillis à Orly mais nous n’avons pas été fêtés comme maintenant. »

Et de préciser : « Puis nous nous sommes séparés et moi, j’ai eu un accueil particulier. J’étais militaire. Au lieu de rentrer à la caserne, je suis rentré directement à la maison. Les gendarmes sont venus me chercher, j’étais presque un déserteur. Quand je suis rentré à la caserne, on m’a mis en taule jusqu’au défilé du 14 juillet et je suis parti en Algérie : sacrée récompense ! »

Une version confirmée dans un entretien sur le site de la FFF : « Quand on est rentrés, on ne s’attendait pas à cela : il y avait peut-être 15 ou 20 000 personnes à Orly ! Quand on est partis, ils voulaient nous frapper et là, ils sont venus nous embrasser. J’avais 21 ans et je suis tombé face à face avec une belle jeune fille, je n’ai pas pu résister. J’étais alors militaire au Bataillon de Joinville et j’ai disparu pendant une semaine à Paris. Le commandant a envoyé les « flics » chez moi parce que, passé une semaine, j’étais déserteur. Une fois rentré au Bataillon, ils m’ont « collé en taule ». Ils m’ont appris à marcher au pas dans la cour, j’ai fait le défilé militaire du 14 juillet sur les Champs-Élysées et 48h après, on partait en Algérie ! Voilà ma prime de match de la Coupe du monde 1958 [rires]« 

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