Il est surnommé William “Fatty” Foulke : comprenez “le gras” ou “le gros”. Ce gardien de but est dans le Guinness Book : 1m93 – au bas mot selon les sources – et son poids sur la balance : 150 kilos à la fin de sa carrière, soit l’équivalent de deux joueurs de foot. Un record dans le monde du football !
Son poids, gros avantage pour un gardien à l’époque
Mais son histoire ne se résume pas à ses mensurations XXL. Comme le raconte le livre consacré à sa vie « Colossus: The True Story Of William Foulke », sa carrière est complètement folle.
Nous sommes à la fin du XIXe siècle en Angleterre. Âgé de 19 ans, William Foulke garde la cage du club amateur de Blackwell Colliery. Après plusieurs grandes prestations notamment lors de la Derbyshire Cup, il est repéré par Sheffield United – le premier club de l’histoire du foot – avec qui il signe un contrat professionnel. Montant du transfert : 20 livres sterling.
C’est alors le début de l’aventure pour cette sorte d’Obélix avant l’heure. Il dispute son premier match contre West Bromwich Albion le 1er septembre 1894. Malgré son gabarit, William Foulke est très agile avec ses mains. Certains le décrivent gros comme une montagne, agile comme un chat. D’ailleurs c’est un sportif de talent : il joue également au cricket à haut niveau.
Dès 1895, le journal Scottish Sport flaire le phénomène : “Avec Foulke, Sheffield a trouvé un gardien qui ne sera pas battu facilement. Il fait partie de ces gros joueurs qui peuvent s’asseoir sur la barre transversale quand ils le veulent, mais il n’est pas pataud comme les autres.”
Sa carrure impressionnante est très utile pour jouer avec les règles du football de l’époque : un joueur a le droit de pousser le gardien de but dans sa cage alors qu’il tient le ballon dans les mains. Autant dire qu’il n’est pas facile de bouger « Fatty » Foulke.
Au début, les règles du football autorisaient de charger les gardiens sans qu’une faute soit sifflée pic.twitter.com/usbOn1tYfU
— UN TRUC DE FOOT© (@untrucdefoot) July 31, 2022
Aussi, il prend de fait beaucoup de place dans les buts. Spécialiste des penalties, il en arrête deux coup sur coup contre Burslem Port Vale le 3 mars 1906. Son adversaire malheureux lance : “Où d’autre aurais-je pu placer les coups de pied ?! Il n’y avait nulle part ailleurs pour viser ! »
Avec sa puissance de frappe, ses dégagements dépassent la ligne médiane. Chose rare à l’époque avec les ballons lourds. Et un avantage certain pour jouer l’attaque en mode “kick and rush”.
Une force hors du commun qui entraîne parfois des accrochages. Exemple le 29 octobre 1898 quand Sheffield se déplace à Anfield pour affronter Liverpool. Sur une action, George Allan charge fortement William Foulke. Pour se venger, ce dernier saisit l’attaquant des Reds par les jambes et le renverse. Geste sanctionné par l’arbitre qui accorde un penalty à Liverpool. Le colosse s’incline une autre fois sur un but d’Allan, entraînant la défaite des siens (2-1).
Autre frasque : lors d’un déplacement pour affronter Everton le 30 octobre 1897, William Foulke tombe littéralement sur Laurie Bell, l’attaquant des Toffees. Il se remémore dans une interview de l’époque : « C’était vraiment un accident (…) Au moment où j’attrapais une balle haute, Bell est venu vers moi, et le résultat de la collision a été que nous sommes tous les deux tombés, mais c’était sa malchance d’être en-dessous, et je n’ai pas pu m’empêcher de tomber avec les deux genoux sur son dos. Quand j’ai vu son visage, j’ai eu le pire choc que j’ai jamais eu sur le terrain de football. Il avait l’air d’être mort.“
En dehors du foot, il passe son temps dans les pubs anglais à boire et à satisfaire son appétit gargantuesque. On raconte même qu’un jour il a fini les petits déjeuners de ses coéquipiers. À cause de cette mauvaise hygiène de vie, il franchit la barre des 100 kilos en 1896. C’est à ce moment que les supporters le surnomment William “Fatty” Foulke.
Il casse la barre transversale
Lors d’un derby amical avec Sheffield United contre le voisin de Sheffield Wednesday devant 7.000 spectateurs le samedi 13 février 1897, William Foulke casse son but. Après un sauvetage sur une frappe adverse, il s’accroche à la barre transversale qui cède sous son poids. Le match doit être arrêté à 0-0.
Et le Sheffield Daily Telegraph de revenir dans ses colonnes sur cette action : « Il est dommage que Foulke ne puisse pas freiner l’habitude d’abaisser la barre transversale, qui s’est terminée samedi par sa rupture en deux. En forme, il est bien en lice pour les honneurs internationaux, mais le comité de sélection est sûr de préférer un homme qui joue le jeu à celui qui viole inutilement l’esprit des règles. »
Une sélection avec l’Angleterre
Raté. Le mois d’après, c’est la consécration. William Foulke est appelé pour jouer avec l’équipe d’Angleterre contre le pays de Galles le 29 mars 1897. Large victoire (4-0) à domicile à Sheffield au stade de Bramall Lane devant 4.900 spectateurs.
Pas de but encaissé donc pour ce qui est sa seule et unique sélection avec les Three Lions. Les matches internationaux étant rares à l’époque et il n’aura pas l’occasion de revêtir le maillot national.
Gardien buteur et course-poursuite avec un arbitre
Le 23 octobre 1899, Sheffield reçoit une équipe de Sud-Africains en tournée en Angleterre. Alors que son équipe mène facilement (4-0), William Foulke décide d’abandonner sa cage pour monter à l’attaque ! Devant 4.500 spectateurs, il inscrit deux buts… et en concède deux. Score final : 7-2.
En finale de FA Cup le 19 avril 1902, Sheffield se fait égaliser par Southampton dans les derniers instants de la partie (1-1). Persuadé du hors jeu de l’attaquant adverse, William Foulke en veut à l’arbitre. Dans les vestiaires, il le poursuit – nu – pour en découdre. L’homme en noir est obligé de se réfugier dans sa cabine et de s’enfermer pour échapper à la colère du géant, stoppé par les officiels alors qu’il s’apprête à défoncer la porte. Comme c’est la règle après un match nul à cette époque, la finale est rejouée la semaine suivante et finalement remportée par Foulke et les siens (2-1).
Côté palmarès, le colosse au poids astronomique permet à Sheffield de remporter son premier championnat, deux FA Cup dont une finale contre Tottenham où plus de 100.000 personnes sont venues au stade le voir jouer.
This is a great film of Sheffield United playing Tottenham Hotspur in the 1901 FA Cup Final replay at Burnden Park, Bolton. After a 2-2 draw in the first meeting, Spurs won this game 3-1. The start of the film shows Legendary goalkeeper William “Fatty” Foulke in action. pic.twitter.com/EFq8QYfVtI
— Football & the First World War (@FootballWW1) August 22, 2022
L’historien de Sheffield United, John Garrett, livre son verdict à la BBC Sport : “Tout footballeur qui peut gagner deux FA Cup, un titre de champion et jouer pour son pays en un peu plus d’une décennie parle de lui-même ». Et de préciser : « Il est juste de dire que Foulke a été l’une des premières vraies superstars du football. Il y avait un aspect de showman en lui. Il fait penser à Paul Gascoigne avec sa flamboyance ou aux non-conformistes des années 1970 comme Tony Currie ou Stan Bowles. »
Premier gardien et premier capitaine de Chelsea
En 1905, un nouveau club est fondé en Angleterre : il s’agit de Chelsea. Après 11 saisons et presque 300 matches avec Sheffield, William Foulke est recruté par le club londonien l’été de cette année-là contre 50 livres sterling.
Il est le premier gardien en match officiel de l’histoire de Chelsea le 2 septembre 1905 face à Stockport County (défaite 1-0). Et il est aussi le premier capitaine des Blues.
Les premiers ramasseurs de balle
Si Chelsea gagne rapidement en notoriété et que Stamford Bridge attire plusieurs milliers de spectateurs, c’est grâce notamment à William Foulke.
Les Blues organisent une campagne de promotion pour effrayer les adversaires et attiser la curiosité. « Quand il a signé, le club avait même engagé quelqu’un pour se balader avec un panneau où était écrit « Venez voir le gardien de but de 150 kg ! », explique Rick Glanvill, historien spécialiste de Chelsea interrogé par L’Equipe.
Sur chaque photo, le gardien international est entouré des plus petits joueurs si bien qu’il apparaît encore plus immense. Même stratagème durant les matches : pour impressionner l’équipe adverse et mettre en avant son immense taille, on place deux petits enfants derrière son but. Ces derniers finissent également par aller chercher les ballons perdus. Ce sont les premiers ramasseurs de balle de l’histoire du football.
Dans un programme de Chelsea daté de décembre 1905, il déclare : “Je me fiche de combien ils me paient, tant qu’ils ne me font pas payer trop cher mon dîner. »
Foulke, à l’origine de l’expression « clean sheet »
Après une saison et 35 matches, William Foulke quitte Chelsea et part jouer du côté de Bradford City. Le 2 février 1907, il affronte Accrington Stanley. Après avoir oublié ses affaires dans le train, il n’a pas de maillot de la bonne couleur pour affronter les adversaires du jour. Il est contraint de trouver une autre tunique. Évidemment, aucun autre maillot n’est à sa taille. Obligé de porter quelque chose, il arrive à trouver un drap (ou une grande serviette) pour l’enrouler autour de lui. Il joue une partie du match ainsi avant de l’enlever. Une rencontre où il ne prend pas de but (1-0) et durant laquelle il n’a même pas besoin de se salir en plongeant à tel point que le drap est resté propre et immaculé. Cette situation cocasse est l’une des explications de l’expression “clean sheet” : “sheet” pour drap/serviette et “clean” pour propre, ce qui signifie « garder sa cage inviolée », « ne pas prendre de but ».
C’est l’un de ses derniers matches. Après plusieurs blessures, il met un terme à sa carrière. Il finit sa vie à Sheffield où il tient plusieurs commerces dont une brasserie.
Quelques années plus tard, il meurt en 1916 à l’âge de 42 ans d’une cirrhose, une maladie souvent provoquée par une consommation excessive d’alcool. Après une vie et un ventre bien remplis.
Un chant en son honneur ?
Pour l’anecdote, un chant posthume – peut-être lui étant destiné – est entonné par les supporters sur l’air de la chanson populaire « Knees up Mother Brown »,un hommage décalé pour son amour pour les tartes vendues lors des matches : “Who ate all the pies ? Who ate all the pies ? You fat bastard ! You fat bastard ! You ate all the pies !”
Traduction : “Qui a bouffé toutes les tartes ? Qui a bouffé toutes les tartes ? C’est toi gros bâtard ! C’est toi gros bâtard ! Tu as bouffé toutes les tartes !”
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